Skip to main content

Carmilla, le roman aux origines du mythe du vampire

Facebook
Twitter
LinkedIn

Carmilla est une douce fille en apparence. À ses hôtes, Laura et son père, elle ne peut révéler qui elle est… Bien des mystères entourent sa personne.

« Métaphore implacable de l’amour interdit, Carmilla – le plus célèbre roman de l’écrivain irlandais Sheridan Le Fanu – est une œuvre majeure de la littérature vampirique du XIXe siècle. Bram Stoker reconnaîtra plus tard la dette qu’il a envers son compatriote lors de la parution, en 1897, de Dracula, roman devenu culte. »

Carmilla
Carmilla – Éditions Soleil.

Une mystérieuse invitée

Laura habite un château, un schloss, en Styrie, avec son père, d’origine anglaise. Ils sont isolés. Le village le plus proche se résume aux ruines d’un château d’une vieille dynastie, les Karnstein… Alors que Laura attend la visite d’une amie, elle apprend que celle-ci est hélas morte. Peu après dans la soirée, un attelage fait une embardée au niveau d’un pont à dos d’âne proche du château. Les deux passagères sont une dame de haute lignée, semble-t-il, et sa fille, qui paraît bien mal en point. La mère devant absolument faire un long trajet, sa fille ne pourra pas l’accompagner, bien mal en point qu’elle est. Laura, toute enjouée à l’idée d’avoir une camarade de jeu, suggère à son père de lui offrir l’hospitalité…

Une étrange sensation

Lorsque Laura découvre le visage de la jeune fille plus tard dans la soirée, elle reconnaît cette mystérieuse jeune fille qui lui avait rendu visite une nuit, alors qu’elle n’avait que six ans. Le souvenir de deux aiguilles qui s’enfoncent dans sa poitrine se ravive soudain. Elle en fait part à sa nouvelle amie… Après s’être avoué leur rêve, « [l]es [deux] jeunes personnes se prennent d’amitié, et même d’amour, dans l’instant » (p.46). Carmilla reste cependant étrange. Elle se lève tard et ne prie jamais avec eux. Lorsque Laura s’aventure à la questionner un peu plus, Carmilla change de visage. « Je ne l’aimais pas dans ces mystérieuses humeurs. J’éprouvais un plaisirs étrange et tumultueux, mêlé de temps à autre à un vague sentiment de peur et de dégoût. Je n’avais pas d’idée précise à son sujet à ce moment-là ; j’étais consciente d’un amour qui confinait à l’adoration, mais aussi d’une répugnance instinctive. » (p.51).

La beauté fatale

Carmilla est d’une incroyable beauté. Elle fascine Laura. L’épisode de la chevelure n’est pas sans rappeler le pouvoir de La Chevelure de Maupassant. Ses boucles serpentines rappellent les femmes fatales et médusantes du XIXe siècle. Carmilla est faible et dangereuse. C’est parce qu’elle est amoureuse de Laura qu’elle est faible. C’est aussi parce qu’elle est vampire qu’elle est dangereuse. Dans la chapelle du château des Karnstein en ruine, elle fait d’ailleurs preuve d’une force immense pour repousser le bûcheron. Même dans son sommeil, Carmilla conserve sa beauté : « Bien qu’un siècle et demi se fût écoulé depuis son inhumation, son teint avait conservé un incarnat velouté. Ses yeux étaient restés grands ouverts. Aucune odeur de cadavre n’émanait du cercueil. » (p.164).

Carmilla / Laura, l’amour interdit

Carmilla, c’est aussi une histoire d’amour interdit. « Quelquefois, après une heure d’apathie, ma belle et étrange compagne me prenait la main et la pressait avec insistance. Elle rougissait légèrement, fixant mon visage d’un regard languissant et brûlant, et sa robe se soulevait au rythme de sa respiration tumultueuse. On eût dit les ardeurs d’un amant, et cela m’embarrassait ; c’était à la fois odieux et irrésistible. Les yeux brillants, elle m’attirait à elle et ses lèvres brûlantes couvraient mes joues de baisers… » (p.52) Laura se demande d’ailleurs s’il ne s’agit pas d’une histoire de travestissement. Un très jeune amant aurait pu trouver le moyen de s’introduire au château et lui faire sa cour sous un déguisement. Le récit s’apparente aux « amours saphiques » de Carmilla, la brune voluptueuse, et de Laura, la blonde effarouchée. Par ailleurs, ils semblent que d’autres jeunes filles tombent mystérieusement malade dans les environs de Carmilla…

Carmilla, Millarca et la comtesse Mircalla

Le père de Laura a fait refaire d’anciens tableaux. Lorsqu’ils reviennent au château, Laura découvre le tableau de la comtesse Mircalla Karnstein. Quel étrange vision. Elle ressemble trait pour trait à Carmilla… De son côté, Laura est atteinte d’une étrange maladie. Après la visite du docteur, le père de Laura entreprend de se rendre au château de Karnstein. En chemin, le général Spieldorf les rejoint. Ce dernier leur raconte une histoire bien étrange. Lors d’un bal masqué chez un ami, il a fait la rencontre d’une mystérieuse dame et de sa fille Millarca. La dame, devant partir d’urgence et ne pouvant emmener sa fille, demande au général qu’il lui offre l’hospitalité. Il ne peut refuser d’autant que Bertha lui fait cette même requête. « Mon enfant [Bertha] bien-aimée se mit à dépérir, de manière si mystérieuse et si horrible que j’en fus épouvanté. » (p.138) Après son récit, le général Spieldorf explique que Carmilla, Millarca et Mircalla ne sont qu’une seule et même personne et qu’elle n’est « pas si morte que vous le croyez » (p.143). Millarca présente les signes d’un « cas patent de vampirisme » (p.164).

Carmilla, l’ancêtre de Dracula

Avec Carmilla Shéridan Le Fanu pose les jalons de la femme vampire. « Dans certaines circonstances, quelqu’un qui se suicide devient un vampire. Ce spectre rend visite à des personnes vivantes pendant leur sommeil. Elle meurent, et presque toujours elles deviennent vampires dans leurs tombes » (p.168). Le court roman en préfigure un autre devenu culte. Bram Stocker reconnaîtra plus tard la dette qu’il a envers son compatriote lors de la parution, en 1897, de Dracula. Difficile de ne pas voir en Laura l’amie de Mina Harker, Lucy Westenra, âgée elle aussi de 19 ans.

En plus des nombreux dessins présents dans le livre, retrouvez les dessins de l’illustratrice Isabella Mazzanti sur son blog.

Évaluez notre article

Note moyenne 5 / 5. Nombre de vote : 1

Il n'y a pas encore de vote !