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L’autisme au quotidien par Valentine Berry

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À 28 ans, Valentine Berry est maman de jumeaux, Stanislas et Ruben, atteints d’un handicap invisible : l’autisme. Pour Le Petit Reporteur, elle nous raconte son combat quotidien contre le handicap. En avril elle a lancé l’« Opération Petits cœurs bleus » pour alerter le grand public sur son combat.

« Stanislas et Ruben viennent de souffler leur 6ème bougie ! Mes petits garçons, bien que « tout à fait normaux » au premier abord, sont néanmoins atteints d’un handicap invisible pourtant bel et bien envahissant au quotidien : l’autisme. » (Valentine Berry)

Stanislas et Reuben - autisme
Stanislas et Ruben. – Crédit photo : Valentine Berry.

Le diagnostic

Stanislas et Ruben ont été diagnostiqués autistes moyen (type Asperger) en fin 2019 (rapport officiel du pédopsychiatre rendu en mai 2020 à cause de la pandémie). « Le plus étonnant est qu’ils sont atteints d’autisme tous les deux et au même niveau, ce qui est extrêmement rare pour des jumeaux », déclare Valentine Berry. Très tôt les parents et leurs grands-parents constatent des « comportements inhabituels » tels des gestes répétitifs, un regard fuyant, le fait de pas répondre à leur prénom, un isolement volontaire ou encore du « flapping(*) ». « Nous avons été redirigés vers le CAMSP de Loudun, plateforme RE.COL.TE, spécialisé dans les TSA (Trouble du Spectre Autistique) chez les moins de 6 ans. » De là s’ensuivent de nombreux tests et autres observations. Le diagnostic est unanime : Stanislas et Ruben sont atteints d’autisme moyen et doivent avoir un suivi SESSAD-TSA en urgence.

« En novembre 2019, les vrais bouleversements commencent : les démarches administratives à n’en plus finir (encore aujourd’hui), les demandes d’aide, la MDPH, l’école, les nouvelles organisations professionnelle et personnelle… En plus de devoir accepter l’évidence, il fallait à présent s’adapter, ce qui a marqué le début du plus grand de tous les combats : le droit au bonheur pour mes enfants. »

Seule face aux difficultés liées à l’autisme

Actuellement, Valentine est seule à s’occuper à 100 % de ses garçons, leur père n’ayant la garde qu’un weekend sur deux. Depuis fin août 2020, elle a dû arrêter de travailler en raison du handicap de ses enfants. « Bien que les enfants adorent l’école, depuis la Petite Section de maternelle, ils ne sont scolarisés que les matins (pas de cantine, ni de temps périscolaire). Aujourd’hui, ils sont en Grande Section dans une maternelle classique, avec une AESH mutualisée qu’ils se partagent avec un enfant de CP (soit 1h30 d’aide chacun les matins) », déplore Valentine. Le peu de temps que la maman possède, elle le consacre aux tâches ménagères et administratives. « Il faut savoir que toutes les démarches et tous les dossiers à remplir pour la MDPH sont longs et fastidieux. » En matière d’éducation, faute d’aide et d’accompagnement adéquat, Stanislas et Ruben passent plus de temps à la maison qu’à l’école. « C’est une situation qui n’est évidemment ni normal ni juste, d’autant que mes enfants adorent l’école, et certaines fois ils ne comprennent pas ou n’acceptent pas de ne pas pouvoir aller à l’école comme leurs copains… »

Les moments de crise

Pour Valentine et ses deux enfants, chaque jour est différent, « mais chaque matin est un coup de poker ». Les jours « avec » sont moins nombreux que les jours « sans ». « Dans ces moments-là, chaque contrariété, frustration, incompréhension ou même fatigue peut se transformer en crise. Quand une crise éclate, il faut savoir rester calme et patient, malgré le stress et la fatigue. Des cris stridents, des jets d’objets, de l’auto ou hétéro agressivité, des paroles incohérentes, une perte de repères dans l’espace et le temps, plus de notion de danger… La liste est longue ! Le fait que mes enfants ont la capacité d’être verbaux et presque autonomes, ne change en rien la difficulté à supporter et à gérer ces crises, et quoi de plus douloureux que de voir son enfant souffrir dans ces moments au point de se sentir impuissante. » Les weekends, jours fériés et vacances, il faut savoir aussi les occuper « ce qui n’est pas chose facile, d’autant que les finances ne sont pas toujours là ». Valentine explique qu’il faut également prendre en compte chaque détail pour préparer une sortie (même pour une simple balade en forêt par exemple). « Tout est sujet à réflexion et préparation avec l’autisme, même pour faire les courses ou aller chez le médecin. Dans certains cas, il est même nécessaire de les préparer en avance et de faire des jeux d’imitations pour qu’ils se mettent en condition. »

Trouver de l’aide pour surmonter le handicap

« Au tout début pour avoir de l’aide, j’ai dû me débrouiller toute seule. Bien entendu, le CAMSP de Loudun nous a donné des pistes pour nous aider mais dans l’ensemble j’ai surtout fait des démarches personnelles », déplore Valentine. Elle fait alors le choix de se rendre dans un premier temps à l’IME (Institut Médico-Educatif) Henri Wallon de Châtellerault, où certaines personnes sont spécialisées dans le Trouble du Spectre Autistique (TSA). « Après quelques rendez-vous, le directeur, le directeur adjoint, une psychologue, une éducatrice spécialisée ainsi qu’une assistante sociale ont décidé de m’aider. Je dois avouer que sans cette équipe formidable, aujourd’hui, je n’aurai jamais eu le courage de me battre, ni de vous raconter mon histoire. » Ils l’aident encore à faire face à la MDPH en ce moment en l’aidant à remplir les dossiers, rédiger convenablement les recours et en l’aidant à trouver des appuis par des associations. « Ils sont d’un soutien moral extraordinaire et d’une profonde humanité ! » Elle ajoute que les maîtresses d’école de ses garçons l’aident aussi à fournir des éléments pour les dossiers MDPH. Grâce aux recommandations et appuis de l’éducatrice spécialisée, les institutrices ont pu avoir des clés et des méthodes pour s’adapter aux rythmes et besoins de Stanislas et Ruben, qui ont chacun leur emploi du temps adapté en classe, leurs rituels et repères, indispensables à leur équilibre et leur bien-être.

L’autisme, un combat au quotidien

Stanislas et Ruben ne sont scolarisés que le matin. Cela a engendré un cumul de retard d’apprentissage en plus de certains retards de développement liés à l’autisme. « Nous nous battons pour qu’ils puissent être accompagnés à l’école comme il faut et pour qu’ils y assistent toute la journée comme leurs copains. » Ne pouvant pas travailler en raison de ce problème de scolarité, Valentine se bat également pour que Stanislas et Ruben puissent obtenir les compléments d’allocations et pour qu’elle puisse bénéficier du statut d’aidante familiale. « À ce jour, nous sommes victimes du système administratif et du manque de considération auprès de personnes étant censées être compréhensives et à l’écoute de tous les handicapés. »

La MDPH s’obstine

« La pression psychologique est telle que je comprends les parents qui n’osent pas en venir jusqu’au recours contentieux ou même abandonnent tout court… » Cela fait partie du combat de Valentine de parler et d’encourager tout le monde à ne pas lâcher. Il faut au contraire crier haut et fort cette injustice ! « Si tous les éléments sont en accord avec les diagnostics médicaux, avec les observations et examens de professionnels, avec des rapports officiels à l’appui, il est inacceptable qu’une structure comme la Maison Départementale des Personnes Handicapés (structure permettant d’obtenir des droits pour l’adaptation, la socialisation, l’inclusion et de vivre avec dignité) s’obstine à camper sur des positions illégitimes et sans raisons valables ! », s’agace la maman de Stanislas et Ruben. Elle s’entend encore lui dire « Ils sont trop sociables et trop souriants pour des autistes. Ils n’ont donc pas besoin d’aide. » Une honte de la part de professionnels.

L’Opération Petits cœurs bleus pour sensibiliser sur l’autisme

« Il y a malheureusement trop de silence concernant l’autisme, même si depuis quelques temps maintenant certaines personnalités commencent à en parler de plus en plus. Toutefois, nous autres petites gens du bas peuple, nous les pauvres, nous les parents solos… qui veut bien nous écouter ? », explique Valentine. « Pour nous écouter, il faut aussi que les gens connaissent un minimum ce qu’est l’autisme en général, handicap invisible encore trop passé à la trappe » C’est pourquoi durant ce mois d’avril, avec quelques cartons et de l’imagination, elle a eu l’idée de créer un chariot de sensibilisation qu’elle a nommé « Opération Petits cœurs bleus ». La journée internationale de sensibilisation à l’autisme étant le 2 avril, Valentine a décidé d’agir à son échelle durant tout le mois d’avril. « Armée de mon chariot, de tee-shirts, de rubans bleus et de petits cœurs bleus, tous les midis à la sortie de l’école, je me posais devant le portail, face à tout le monde, afin que le plus de personnes possibles puissent voir mon message. J’ai eu la chance d’être écoutée, d’avoir reçu beaucoup de bienveillance et surtout beaucoup de soutien ! » Qu’on ne s’y trompe pas, même si certains pensaient ou même voulaient faire un don avec quelques pièces de monnaie, ce n’était pas du tout le but recherché. « Certains militent en réclamant des sous, moi je réclame des petits cœurs bleus ! » Susciter l’étonnement et la curiosité, là aussi était le but de l’opération. Elle sortait de son sac ses petits cœurs bleus en papier cartonné, demandant alors aux passants d’écrire un petit mot s’il le souhaitait. « Je ne m’attendais absolument pas à autant d’engouement et de soutien. Toute cette bienveillance m’a donné énormément de baume au cœur et m’encourage encore plus à continuer de me faire entendre ! »

« Je dois donc profiter de chaque moment calme pour vider mon esprit et me préparer à subir le relâchement des enfants. C’est dur mais je sais que ce n’est pas de leur faute. Comme tous les enfants, ils font des caprices et aiment jouer avec les nerfs des mamans, ils restent des enfants ! Mais dans ces moments de relâchement intense, c’est l’autisme qui l’emporte », conclut Valentine.

Valentine Berry poursuit son combat. Elle tient à remercier toutes les personnes qui continuent à la soutenir. « Nous sommes peut-être une minorité mais ce sont les petits ruisseaux qui font les grandes rivières et parfois une seule voix peut raisonner plus fort que la cacophonie d’une foule. Je souhaite que toutes les voix, même les plus petites raisonnent ! » Le Petit Reporteur remercie Valentine Berry pour son témoignage dans son combat et espère qu’elle saura trouver des oreilles attentives à ses appels.

Pour en savoir plus sur l’autisme, vous pouvez consulter le site du Craif.

* Stéréotypie motrice consistant en des mouvements rythmés de battement des mains et/ou des bras, parfois présente chez les personnes autistes.

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